Ombres de mes livres

 

… où j’ai cherché à esquisser les silhouettes des 
premiers possesseurs de mes livres anciens.
 
 
 
Mgr Guitard de Ratte, évêque de Montpellier
(1539 - 1602)


Le document :

Forma dignum(1)
octroyé par Mgr Guitard de Ratte, évêque de Montpellier,
à Mathieu Poderoux,
prêtre et chapelain de la chapelle du Saint-Sépulcre
en l'église Sainte-Anne de Montpellier.


Document sur parchemin en date du 6 février 1602
portant la signature et le sceau sec sous papier de l'évêque.

 
(1) : Forma dignum > Provisions obtenues de l'évêque, sur décision du pape, pour jouir d'un bénéfice ecclésiastique.
 

Le parchemin porte au dos l'acte notarial de prise de possession du bénéfice par Mathieu Poderoux, en date du 8 mai 1602.
Le patronage de la chapelle du Saint-Sépulcre :

Le document de 1602 rend public le bénéfice octroyé par l'évêque de Montpellier à l'un de ses prêtres : Mathieu Poderoux (ou Poudaroux) devient chapelain de la chapelle du Saint-Sépulcre en l'église Sainte-Anne de Montpellier.

L'église Sainte-Anne a été construite à partir du XII° siècle et elle est devenue collégiale en 1496, l’une des trois paroisses de Montpellier. Les chanoines sont chassés par les protestants en 1562. Leur église est à moitié détruite durant les troubles. Ils ne pourront la restaurer complètement que sous Louis XIII. La chapelle du St Sépulcre avait sans doute échappé à la destruction. Le chapelain du St Sépulcre disposait d'une maison située rue du Terrail.


Mathieu Poderoux apparait aussi dans le compoix(1) de Sainte-Anne dès 1599, donc avant l'officialisation de son titre par l'évêque : "Mathieu Poderous, prêtre et chapelain de la chapelle du Saint Sépulcre en l'église Sainte Anne".
(1) : Compoix > Sorte de cadastre rudimentaire dans les régions françaises de langue occitane entre le XIVe et le XVIIIe siècle.

Par la suite une famille a le patronage de la chapelle du Saint-Sépulcre; elle conserve le "forma dignum" et y ajoute ce titre : " 6e févr 1602 + Forma dignum baillé par l'évêque de Montpellier au Sieur Poderoux de la chapelle dont nous sommes patrons ".
Le sceau sec et la signature de l'évêque :

Ecu timbré d’une couronne de comte sommé d'une mitre et d'une crosse,
avec le nom et titre en bordure :

« D'azur à trois étoiles d'argent »


 
Mgr Guitard de Ratte

(1539, Montpellier - 7 juillet 1602, Toulouse)


Evêque de Montpellier
et, à ce titre, comte de Melgueil et de Montferrand


Abbé de Saint-Chinian, du Val-Richer et de Lodève

Conseiller d'église au Parlement de Toulouse

Aumônier Ordinaire du Roi
Lutte frontale entre l'évêque et les protestants.
Partisan d'Henri IV face à la Ligue :
 
En 1589 le chanoine Guitard de Ratte, Conseiller d'église au Parlement de Toulouse, est en liaison étroite avec le premier Président, Jean-Etienne Duranti, et l'avocat général, Jacques Daffis, partisans du Roi. Ces magistrats délèguent Guitard de Ratte auprès d'Henri III à Paris, ce qui lui sauve la vie : Les ligueurs massacrent Duranti et Daffis, condamnent de Ratte à mort par contumace et pillent sa maison.

Parvenu au trône Henri IV indemnise Guitard de Ratte de ses pertes en lui accordant une pension de 12.000 livres à vie et en le faisant bénéficier des abbayes de Saint-Chinian et de Saint-Sauveur de Lodève.

Le Roi le charge d'une mission en Normandie pour le maintien de la région de Caen dans sa fidélité. Au retour l'abbé de Ratte est emprisonné par les ligueurs mais délivré par l'intervention d'Henri IV qui ajoute l'abbaye du Val-Richer (région de Bayeux) à ses bénéfices.
Montpellier ravagé par les guerres de religion :
 
L'évêché de Maguelone est transféré à Montpellier en 1539, une vingtaine d'années avant le début des guerres de religion. Malgré une répression qui commence sous Henri II le dixième de la population française est converti au protestantisme en 1561. Suite à l'édit de Catherine de Médicis de janvier 1562 les protestants détruisent les chapelles et les églises, plutôt que de les rendre.

Montpellier est une place forte du protestantisme en France pendant une cinquantaine d’années. La population, très hostile aux "papistes", soutient ses consuls dans leur répression du catholicisme.

Il en résulte plusieurs sièges et, surtout, la destruction complète des édifices religieux de la ville à de rares exceptions. La plupart des églises sont rasées jusqu'à terre en 1568. Les édifices restants, dont la cathédrale, ont leurs toitures détruites et sont gravement endommagés.

En fin du XVI° siècle les évêques de Montpellier se réfugient avec leur chapitre à Frontignan. Mgr de Ratte est le premier évêque à revenir à Montpellier, sans ses chanoines restés à l'abri dans leur retraite.
Evêque de Montpellier, une fonction délicate :
 
Ayant précédemment constaté sa fidélité, Henri IV nomme l'abbé Guitard de Ratte le 26 mars 1597 au poste difficile d'évêque de Montpellier. Il est sacré par le cardinal de Gondi, évêque de Paris, et fait son entrée à Montpellier le 5 novembre.

Mgr de Ratte s'astreint à vivre à Montpellier malgré l'hostilité de la population et tente de ranimer le culte catholique dans les églises dont il ne reste plus que des ruines dans la ville.

En 1598 l'édit de Nantes fait de Montpellier une des places de sûreté des protestants mais rétablit aussi les catholiques dans leurs droits.

En conséquence Mgr de Ratte ordonne le rétablissement des églises dans plusieurs villes de son diocèse mais, à mesure des recréations, les édifices sont détruits par les protestants.

A Montpellier l'évêque fait nettoyer la chapelle souterraine de la Magdeleine, récemment redécouverte. Il la rend au culte et y confère l'ordre à plusieurs prêtres.

Mgr de Ratte favorise le rétablissement  de la Compagnie des Pénitents Blancs à Montpellier en 1602.
La réouverture difficile de N.D. des Tables :
 
L'église Notre-Dame-des-Tables de Montpellier sert de temple aux calvinistes en 1561. Plusieurs fois rendue aux catholiques, puis reprise par les protestants, elle est dépouillée et ravagée en 1568. Les voûtes sont enfoncées mais on ne touche pas aux murailles pour ne pas affaiblir la grande tour de l'horloge sur la façade.

Mgr de Ratte met les catholiques en possession du sol, du clocher et des ruines de l'église, conformément à l'édit de Nantes de 1598.

A sa demande le duc de Ventadour se rend à Montpellier avec des troupes pour protéger la prise de possession de l'église le 28 décembre 1600.

Mais lorsqu'on commence à démolir un ravelin (demi-lune) construit devant la porte de cette église, la population fait voler une grêle de pierres sur les ouvriers, et à l'appel du tocsin, le peuple s'arme et accourt en foule, de sorte que le duc de Ventadour est obligé de se retirer avec ceux des chanoines qui avaient suivi leur évêque.

Mgr de Ratte demeure au pied du ravelin avec quelques gentilshommes qui ne le quittent pas et fait preuve en cette occasion d'une grande intrépidité.
Une mort violente :
 
Le 7 juillet 1602 Mgr de Ratte se rend à Toulouse pour les affaires de son diocèse.

Poursuivi par trois dogues il fait une chute de cheval. Il meurt dans les heures suivantes.

Son neveu, Pierre de Ratte, ramène son corps à Montpellier avant de le transférer à Maguelone pour l'inhumation.
Tombeau à la cathédrale de Maguelone :
 
Maguelone est une ancienne île où un évêché est établi dès 533. Une cathédrale est bâtie aux XIIe et XIIIe siècles.

Le siège de l'évêché est transféré à Montpellier en 1536. Les évêques de Montpellier continue de se faire inhumer à Maguelone jusqu'à Mgr de Ratte qui sera le dernier à y être enterré.

Guitard de Ratte repose sous un gisant de marbre blanc très réaliste (vêtements, crosse, coussins) édifié par son neveu.
La famille de Ratte :
 
La famille de Ratte apparait à Montpellier au XVI° siècle mais ses racines se trouvent en Italie, à Bologne.

Uberto Ratta est archevêque de Pise, cardinal en 1125, puis légat en Espagne en 1132.

Giovanni Ratta (Jean de Ratte) est comte de Caserte, province de Campanie dépendant du royaume de Naples.

Le chevalier Aimé de Ratte, venant de Carmagnola (Piémont) vient s’établir en 1433 à Clermont-l’Hérault, sans doute au service de Jacques Cœur, grand argentier du roi Charles VII.

Jean de Ratte (1510-1590), père de Mgr de Ratte, est lieutenant du viguier de Gignac et avocat du Roi au présidial de Montpellier.
Sources :
 
> Dictionnaire historique, littéraire et critique, 1759
 
> Dictionnaire de Moretti

> Etudes héraultaises

> Tombeau de Mgr de Ratte

> Histoire de la Ville de Montpellier

> Histoire Du Diocese de Montpellier

 
> Famille de Ratte

> Collégiale de Sainte-Anne

> Mathieu Pouderoux dans la généalogie du Triadou

> Montpellier, ses sixains, ses îles et ses rues, ses faubourgs



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